Le public est convié à vivre une dérive japonaise, visuelle et musicale. Elsewhere repose sur un ensemble d’une dizaine de milliers de courtes séquences vidéo réalisées par Pierre Giner avec l’appareil photo numérique, le téléphone portable qui l’accompagne lors de ses séjours entre Osaka, Kyoto et Tokyo. On a affaire à une sorte de carnet de notes en mouvement, où les séquences, entre photo et vidéo, constituent autant de micro-récits, sans début ni fin, comme une tentative de mémorisation et de description.
L’association aléatoire des images entre elles, à des textes et à la musique du groupe Playdoh, accentue ce travail de montage mental permanent. Le spectateur est ainsi transporté dans une dérive à la fois dilatée et hallucinatoire, virtuellement infinie
Jérome Delormas
in « Elsewhere Kyoto », 2004
Elsewhere Japan
10000 séquences vidéo, montage aléatoire, musique Playdoh
film réalisé entre Kyoto et Tokyo, en résidence à la Villa Kujoyama
Les appareils électroniques ont envahi notre quotidien. Il s’en est vendu 137 millions l’année dernière en France, dont 58 millions de téléphones mobiles. C’est cet objet que Pierre Giner, toujours à l’affût des pratiques populaires des technologies, a choisi pour créer «Elsewhere Japan» et interroger la photo de voyage et la généralisation des vidéos numériques mai- son. Fruit d’une fréquentation assidue de l’Asie par l’artiste (une résidence à la villa Fukuyama de Kyoto et des voyages répétés dans la région), ce projet décliné en installation multimédia et en livre rassemble dix mille courtes séquences vidéos créées avec un téléphone portable («le Super-8 du numérique» selon sa jolie formule) projetées de manière aléatoire sur écran.
Les bandes d’images dialoguent en mêlant la banalité de l’ailleurs (rues, paysages, enseignes lumineuses...) et l’intime du voyageur (ses rencontres, ses étonnements, ses ma- nies...), montrant les clichés et les secrets du Japon entre Tokyo, Osaka et Kyoto. Un carnet de voyage immobile que Pierre Giner décrit comme «une tentative de mémorisation et de description qui rejoue l’expérience d’une mémoire instantanée, immédiate et ténue. Comme lorsqu’on se souvient intensément (et singulièrement) d’un visage, d’un geste ou d’une expres- sion, juste après les avoir entrevus.»
Créée à la Ferme du Buisson en 2003 et accompagnée par la musique électro-acoustique de Playdoh, cette invitation à la dérive, cette rêverie sans début ni fin, est depuis devenue une série, déclinée au fill des étapes, à Shanghai, Los Angeles ou Québec.
Annick Rivoire
Elsewhere Kyoto,
Pierre Giner et Nathalie Allard,
photographies. édition,
Villa Kujoyama, 2006
Elsewhere Shanghai,
Pierre Giner et Nathalie Allard,
photographies. édition,
Saison France Chine, 2004
Elsewhere Shanghai, Nuit de Chine, Grand Palais.
Pierre Giner, Carsick Cars. 27/01/2014 (extrait)
Dans los angeles
à propos d'un livre de Franck Smith
• dans los angeles est une plateforme internet
avec l'aide du DICRèAM (2012), présentée au Moca Los Angeles
LOST ANGELES
Plateforme internet réalisée par Pierre Giner et Frank Smith
Ce site fait suite à la publication d'une expérience d'écriture menée sous la forme de livre intitulé Dans Los Angeles, publié en janvier 2009 aux éditions Le bleu du ciel.
Il y était notamment question, à travers une successions de fragments textuels dialoguant entre eux, de ne s'occuper que de la place des mots dans les espaces et les situations qu'ils produisent. Éviter le moteur introspection / explication qui tourne à plein régime dans le roman traditionnel, et tenter de produire une matière-texte de poésie qui vive sa propre géographie, insérée dans les nœuds d’un tissu urbain complexe : la ville de Los Angeles choisie pour son caractère de mégalopole ultra-contemporaine.
On sait que l'objet propre du fragment c'est l'objet partiel, le morceau. Que les conditions d'une parole de fragment, c’est dire et penser l'objet partiel en tant qu'il ne présuppose aucune totalité passée dont il dériverait, aucun tout à venir qui en dériverait, mais au contraire laisser fuir le fragment pour lui-même, en fabriquant de la distance, de la divergence et du décentrement. Toujours ça sépare, ça mélange, ça affirme. C'est ce que veut montrer la plateforme Internet mise en ligne par Pierre Giner à partir de prises de vue réalisées in situ. Comme une "nouvelle relation avec le Dehors", où les géographies textuelles font désormais place à des images en mouvement comme autant de plateaux, le site Internet Dans Los Angeles tente de constituer une matière supplémentaire irréductible elle aussi à l'unité de la ville.
Rien n’arrive jamais, sinon le passage lui-même, la circulation incessante et les menus incidents à quoi se réduit finalement cette terre californienne. Tout le contraire, en somme, d’une plongée dans les profondeurs de Los Angeles ou dans ses interstices grouillants de signes. Baignées dans un halo de mouvements fugitifs et atmosphériques, les traces visuelles se décollent comme des vignettes et viennent se déposer, bord à bord, sur une série de trames superposées présentées en split-screen, réseaux linéaires qui s’étendent virtuellement bien au-delà des lieux mêmes, des lieux-dits en question.
Il sera toujours temps, ensuite, d’aller voir ailleurs.
Franck Smith